Il y a quelques jours - grâce à
Fuligineuse - j'ai découvert un article magnifique sur le site de
lunettes rouges .
L'article parle de l'exposition "Mélancolie", et il m'a séduite au point de m'inspirer.
J'ai donc décidé de consacrer un billet (que j'aimerais doux) au thème de la mélancolie et à celui que je considère comme son prince.
Je parle de cet homme.
Si vous ne le reconnaissez pas, cliquez sur ce petit portrait.
Pour quelques informations de plus ou autrement racontées, cliquez ici .
Vous vous dites peut-être qu'une italo-américaine transplantée en Suisse n'est pas la mieux placée pour lire un ancien poète français. Sachez alors que j'ai découvert Charles d'Orleans par le chant (un jour avec un petit ensemble vocal français, j'ai chanté son poème "En la forest de longue attente" sous forme de canon). Son ancienne et belle langue, riche en voyelles sonores et compliquée, est probablement plus compréhensible pour une latine que pour un vrai Français moderne.
Dites-vous bien que (comme toujours) dans ma tête les mots ne restent mots qu'un instant, et qu'ils se défont aussitôt pour tisser des images. Tristesse des belles images aux teintes nacrées, couleurs de vieil ivoire et roses fanées des tapisseries anciennes. Ce que je trouve si grand dans la poésie de Charles: l'élégance gracieuse du désespoir.
Un mot revient fréquemment dans les textes qui commentent cette poésie: le mot est nonchaloir. J'adore suivre le trajet des mots à travers les époques. Aujourd'hui nous employons le mot "nonchalance" pour désigner une attitude légère, insouciante. Or il me semble que notre "nonchalance" est au "nonchaloir" de Charles ce que la "gêne" est à son ancêtre la "Gehenne" (le feu de l'enfer). Je veux dire que l'ancien mot est tellement plus fort et plus profond. Indifférence, renoncement, abandon de tout et même de soi. Contempler, observer, réfléchir au sens propre du mot: tel un miroir, renvoyer le reflet.
Plus j'observe cet homme qui est comme un grand oeil sans mains, cet homme reduit au regard et privé d'action, plus je trouve qu'il ressemble à l'homme contemporain: au physicien conscient que les resultats de ses recherches seront utilisés pour détruire, à l'artiste qui manipule cent fois la réalité sans pouvoir y changer un iota.