Une belle histoire
J'avais un ami: un vrai, pas un amant, un AMI - un de ceux avec qui vous faites vos cents coups. Nous avions chanté ensemble, dansé dans la rue, traversé la Baltique gelée, exploré l'univers des fjords. Nous nous étions perdus ensemble dans la nuit et avions longuement erré, sans que notre bonne humeur nous quitte un instant; nous avions aidé des copains saouls qui vomissaient tripes et boyaux; j'avais pleuré sur son épaule. Ose-je vous l'avouer? Nous avions pris ensemble des bains de vapeur - en toute innocence, car il y avait entre nous comme une barrière invisible, quelque chose d'inavoué et de merveilleux.
Puis la vie me l'a volé. Plus de nouvelles, distance. Deuil, difficile - il y a trois mois encore, je me suis fâchée avec une vieille amie qui m'a fait une remarque maladroite à son sujet.
Ce soir, j'ai été invitée à la soirée de fin d'année du club Open Your Eyes. Le club présentait trois court-métrages et la bande-annonces d'un long-métrage, qui est encore au stade de projet. Il s'agit d'une sorte de science-fiction assez intelligente (j'espère bientôt pouvoir faire de la pub pour la sortie de la production complète...). J'observe les images de la bande-annonces. L'acteur principal est photographié de profil.
Et... je le reconnais.
C'est lui, mon J.
Il doit être ici, quelque part, pas loin. Il y est: dans la salle, entouré de sa femme et de ses quatre beaux enfants. Nos regards se croisent et nous prononçons simultanément la même phrase: "This cannot be true", "ceci ne peut pas être vrai", puis nous fonçons l'un dans les bras de l'autre.
Je lui ai laissé mon nouveau numéro de téléphone: je ne sais pas s'il va m'appeler, au fonds ça n'a pas d'importance. J'ai vu que son visage a à peine vieilli, que le bleu de ses yeux est toujours aussi jeune. Cela me suffit.